Interpellation
« Circulez à pied ou à vélo ! » Dans une lettre publiée le 29 avril, la ministre bruxelloise de la Mobilité a lancé un appel pour éviter que la sortie du confinement ne se traduise par un nouveau cauchemar avec une ville paralysée par les voitures et étouffée par la pollution. Elke Van den Brandt a annoncé des mesures, notamment la création de « slow streets » et de 40 km de nouvelles pistes cyclables sur les grands axes de la capitale. Les communes sont bien sûr en première ligne pour étudier et réaliser ces aménagements. Les membres du GRACQ Ixelles ont également réfléchi à la meilleure façon de favoriser les déplacements à vélo et nous avons communiqué nos propositions à l’échevin de la mobilité, Yves Rouyet.
L’analyse d’Elke Van den Brandt est difficilement contestable : « Si toutes celles et ceux qui se déplaçaient en transports publics avant la crise se mettent à circuler en voiture, la situation empirera à Bruxelles. Congestion, pollution de l’air et insécurité routière ne sont pas les voies de sortie d'une crise sanitaire. » Or, en raison des consignes de distanciation physique, « nous ne pourrons pas tous reprendre les transports publics en même temps ». C’est pourquoi elle lance un appel à la solidarité : « À Bruxelles, nous savons que les deux tiers des trajets s’effectuent sur une distance de moins de cinq kilomètres. Vous n’allez pas trop loin et vous êtes en bonne santé ? Préférez alors les déplacements à pied ou en vélo. Nous devons réserver les places du métro, du tram et du bus pour les personnes qui n'ont pas d’autre option. Laissez votre place à l'infirmière qui s'occupe de votre mère, à la caissière qui fait des heures supplémentaires depuis des semaines ou à votre voisine qui souffre d'une hernie. S’il vous plait, soutenez-les en marchant ou en pédalant. »
Ces déclarations rejoignent l’analyse du GRACQ qui a souligné l’urgence d’aménagements cyclables post-confinement et fait des propositions pour répondre à l’augmentation prévisible du nombre de déplacements à vélo. Pendant le confinement, le GRACQ et d’autres associations citoyennes avaient appelé à la création de zones résidentielles dans tous les quartiers de Bruxelles. Il s’agissait de transformer dès à présent les « mailles apaisées » prévues par le plan régional « Good Move » en zones de rencontre. C’est-à-dire créer des espaces partagés piétons-cyclistes limités à 20 km/h pour les véhicules motorisés, en dehors des grands axes. Cette mesure a été adoptée par la ville de Bruxelles pour l’ensemble du Pentagone.
Le GRACQ Ixelles se réjouit de voir appliquée dans notre région des mesures d’« urbanisme tactique » qui se développent dans de nombreuses métropoles à travers le monde. Plusieurs communes bruxelloises ont déjà pris des initiatives, dont Ixelles avec la mise en zone de rencontre de l’avenue du Général de Gaulle, le long des étangs. La Commune nous a assuré que beaucoup d’autres projets vont voir le jour pour faciliter la circulation des piétons et des cyclistes dans le respect des consignes de distanciation physique.
Nous avons proposé notre aide pour répertorier les voiries communales qui pourraient passer en rues cyclables (priorité cyclistes, 30 km/h pour les véhicules motorisés) ou en zones de rencontre (priorité piétons et cyclistes, 20 km/h pour les véhicules motorisés) pendant au moins toute la durée de l’épidémie. Après consultation des membres actifs du GRACQ Ixelles, nous avons envoyé nos propositions à la Commune.
Les critères de préconisation retenus sont essentiellement :
- la forte fréquentation piétonne (densité commerciale, présence d’écoles…) impliquant d’utiliser la largeur de la voirie, dans le cas des zones de rencontre ;
- la nécessité de circuler efficacement à vélo, entre et au sein des quartiers, justifiant de créer des rues cyclables sur des axes à dominante résidentielle.
Le détail de nos propositions, quartier par quartier et rue par rue, est consultable par les membres sur l’Agora. En voici les grandes lignes :
Passer en zone de rencontre tout le quartier Ixelles Nord, afin de permettre la distanciation physique dans des rues étroites et très commerçantes. L’axe rue de la Croix-rue du Viaduc, qui délimite cette zone au sud, deviendrait une rue cyclable, exceptée la partie longeant l’institut Saint-Boniface qui serait mise en zone de rencontre. Pour les mêmes raisons de densité commerciale, le quartier Châtelain devrait devenir une zone de rencontre, y compris la rue du Bailli et le parvis de la Trinité. De même pour la place du Luxembourg et deux rues adjacentes ainsi que la place Flagey (de façade à façade) et ses petites rues adjacentes, le tour des étangs…
Dans tous les autres quartiers d’Ixelles, nous préconisons de passer l’essentiel des rues résidentielles en rues cyclables. Dans ces quartiers, des zones de rencontres devraient en plus être aménagées sur tout ou partie des rues très fréquentées par les piétons : chaussée d’Ixelles (en entier) ; rond-point du Cimetière et rues commerçantes proches (avenue des Saisons, chaussée de Boondael, début de l’avenue de l’Université…) ; avenue Guillaume Gilbert (dans sa partie commerçante), avenue du Bois de la Cambre et square du Vieux Tilleul Nord (face aux supermarchés)…
Seuls quelques grands axes utilisés par les transports en commun resteraient inchangés : rues Lesbroussart et de la Brasserie, rues Malibran et du Sceptre, chaussée de Vleurgat, avenue de l’Hippodrome entre l’étang et Général Jacques, avenue Buyl, chaussée de Boondael au sud du cimetière, avenues du Pesage et du Derby, chaussée de Boisfort…
À ce dispositif s’ajoutent bien sûr les « coronapistes » annoncées par la Région sur les grands axes. Ixelles sera ainsi traversée par les pistes de l’avenue Louise et du boulevard Général-Jacques. Nous regrettons un oubli dans le dispositif régional : sur le boulevard du Triomphe, autour de la VUB, le trottoir et la piste cyclable (sur trottoir) sont trop étroits, à la fois pour les piétons et les cyclistes. Il faudrait une piste temporaire sur la voie de droite de la chaussée. Et aussi réaménager enfin la traversée cyclable du carrefour Delta, déjà ingérable aujourd’hui pour les cyclistes (temps d’attente élevés aux feux, îlots minuscules).
L’ensemble de ces propositions nous semble à la hauteur des enjeux actuels, à la fois sur les plans de la mobilité et de la santé publique. Elles répondent aussi à l’indispensable rééquilibrage de l’espace urbain entre la voiture, le vélo et la marche à pied. Même les automobilistes ont à y gagner, en ne retrouvant pas la ville d’avant, paralysée par les files. Nous faisons le pari que de nombreux navetteurs répondront à l’appel à la solidarité de la ministre en laissant leur voiture au garage, ou sur un parking en périphérie, pour circuler dans Bruxelles « à pied ou à vélo ». On peut même imaginer qu’ils y trouvent du plaisir.
Armande Cocquerez, Denis Dekoster et François Cibot
GRACQ Ixelles