Le quartier étudiant moins embouteillé et asphyxié ?

Aménagements

Le quartier étudiant moins embouteillé et asphyxié ?

Le pont de l’avenue Fraiteur, entre le cimetière d’Ixelles et le campus de la Plaine, doit rouvrir mi-décembre, après des mois de travaux. Il offrira des trottoirs plus larges pour les piétons et une piste pour les cyclistes. Surtout, sa mise à sens unique (vers Delta) va réduire le trafic de transit. Objectif : un quartier apaisé pour les riverains et les étudiants, qui sera aussi bénéfique au commerce local, contrairement aux idées reçues.

En temps normal, c’est-à-dire hors confinement, plus de 4000 étudiants et personnels universitaires empruntent chaque jour le pont Fraiteur, entre les campus de l’ULB-VUB du Solbosch et de la Plaine. Avec l’élargissement et la mise à sens unique du pont, les trottoirs étroits, la circulation intense et les bus obligés de passer en alternance ne seront plus qu’un mauvais souvenir. De même, le carrefour « maudit » (quasi infranchissable à pied ou à vélo) de l’avenue de la Couronne avec l’avenue Arnaud Fraiteur va être rendu praticable par de nouveaux aménagements. Des aménagements encore provisoires, mais destinés à être pérennisés dans le cadre d’un projet complet de réaménagement, de façade à façade, de ces deux avenues.

L’étude de mobilité ainsi que les plans d’aménagements ont été présentés par Bruxelles Mobilité, la STIB et la commune d’Ixelles le 27 octobre (vous pouvez en prendre connaissance ici). Une cinquantaine de personnes, dont plusieurs membres du GRACQ Ixelles, ont assisté à cette réunion publique, en vidéoconférence, introduite par la ministre régionale de la Mobilité, Elke Van den Brandt.

Meilleure qualité de vie

D’ores et déjà, la première phase du projet va permettre d’assurer enfin de bonnes conditions de circulation aux piétons, cyclistes et transports publics sur cette partie de l’axe intercampus Plaine-Solbosch. En premier lieu, fluidifier la circulation des bus 71 et 95, deux des lignes les plus chargées de la STIB. Plus globalement, la mise à sens unique du pont (excepté pour les bus et les cyclistes), en interdisant le trafic entrant des navetteurs venant de l’E411, devrait améliorer considérablement la qualité de vie dans le quartier très animé du cimetière d’Ixelles.

Convaincre les commerçants

Tout va pour le mieux alors ? Presque. Comme à chaque fois que des mesures visent à réduire le trafic automobile, certains commerçants s’inquiètent des conséquences sur leur activité économique. Cette inquiétude, légitime, repose pourtant sur des idées fausses. C’est l’inverse qui se produit : un quartier apaisé, moins soumis à la pression automobile, où piétons et vélos peuvent circuler à leur aise, est favorable au commerce. Alors que le Collège d’Ixelles doit voter, ce mardi 10 novembre, le marquage au sol entérinant les nouveaux aménagements, il est urgent de rappeler les arguments forts en faveur, notamment, de la mise à sens unique du pont Fraiteur.

Un automobiliste, surtout un navetteur matinal arrivant de l’E411, passe sans s’arrêter, stressé par les files et l’horaire. En plus, à cette heure, les commerces ne sont pas encore ouverts. S’il veut s’arrêter le soir, libre à lui, le pont Fraiteur restera ouvert vers Delta. Mais surtout, moins de voitures, c’est plus de place pour les autres usagers. Or savez-vous que piétons et cyclistes se rendent plus fréquemment chez les commerçants de quartier ? Par semaine, ils dépensent presque deux fois plus que les automobilistes même si, par visite, leurs dépenses moyennes sont inférieures. Une brochure éditée en France sous le patronage du ministère de l’Ecologie fournit tous les détails (retrouvez-là ici).

Eh oui, à vélo, on s’arrête facilement pour regarder une vitrine et faire ses courses sur son trajet. Les achats quotidiens logent facilement dans un panier ou une sacoche. Et on s’arrête d’autant plus que l’on est assuré de trouver un stationnement. Rappelez-vous : ce ne sont pas les voitures qui achètent, mais les gens. Or deux blocs de cinq arceaux (soit 20 stationnements sur la surface de seulement deux places de voitures) représentent la capacité de toute une rue de stationnement automobile. Et les vélos ont une fréquence de rotation nettement plus élevée que les voitures. Mais le plus intéressant pour les commerçants est qu’à vélo, on ne fait pas de détour inutile : les boutiques situées sur un axe cyclable majeur sont assurées d’une clientèle fidèle, qui n’ira pas voir si c’est moins cher dans une zone commerciale de périphérie.

Depuis vingt ans, des études européennes attestent que les villes cyclables sont favorables à l’activité commerciale, tout en offrant à tous une meilleure qualité de vie. Le chercheur français Frédéric Héran, spécialiste de la mobilité, détaille dans une étude (à lire ici) tous les « arguments méconnus » sur les bienfaits du vélo pour le commerce de centre-ville. À l’heure où les petits commerçants souffrent des confinements à répétition, ils ne doivent pas se priver de ces perspectives d’améliorer leurs ventes. Et aussi de donner une image positive aux 20000 jeunes qui fréquentent le quartier universitaire, une population particulièrement sensible aux questions climatique et écologique.

Nous savons que les idées préconçues ont la vie dure, et que les études chiffrées et les arguments rationnels ne suffisent pas toujours à convaincre. Le GRACQ Ixelles espère au moins que les élus ixellois sauront y être sensibles pour avancer de façon déterminée dans le sens de l’histoire.

François Cibot
co-coordinateur du GRACQ Ixelles

© Illustrations : Bruxelles Mobilité, Ademe/Ministère de l'Ecologie/FUB