Ixelles : il faut nous mobiliser pour ne pas reculer

Interpellation

Ixelles : il faut nous mobiliser pour ne pas reculer

Quelques avancées, des projets en panne et d’autres menacés de retour en arrière : la météo cyclable n’est pas au beau fixe cet automne. C’est le constat que dresse le GRACQ Ixelles pour notre commune et ses alentours, dont le bois de la Cambre. Mais face aux lourdeurs administratives et au lobbying intensif des acharnés de la voiture, il existe une réponse : la mobilisation de tous les citoyens, cyclistes ou non, qui veulent une ville plus vivable.

L’information est passée presque inaperçue. Près des deux tiers (64%) des ménages ixellois n’ont pas de voiture, selon une étude Statbel portant sur l’année 2019. Ce chiffre, qui inclut les voitures de société (ou « voitures salaire »), ne tient pas compte des milliers d’étudiants qui vivent dans la commune. L’échevin de la Mobilité d’Ixelles, Yves Rouyet, a calculé que si l’on avait compté cette population, très peu motorisée, « le pourcentage de ménages sans voiture aurait été encore plus élevé, supérieur à 80% »

Et pourtant… 100% des Ixellois respirent un air pollué, 100% des Ixellois subissent les bruits de voitures et de motos rugissantes, 100% des enfants ixellois sont obligés un jour ou l’autre, en traversant la rue dans les encombrements, de se faufiler entre des pare-chocs de SUV surdimensionnés, au péril de leur vie. 

Mise en perspective avec cette réalité, la statistique de Statbel a en effet « de quoi bousculer notre manière d’envisager le partage de l’espace public », comme l’écrit Yves Rouyet. Ça tombe bien ! La majorité communale, dirigée par Ecolo, a justement été élue avec ce programme : rééquilibrer l’espace public en faveur des piétons, des cyclistes, des personnes à mobilité réduite… Bref, en faveur de l’écrasante majorité des habitants d’Ixelles.

Espoir estival

Au début de l’été, en commission vélo1, le GRACQ Ixelles applaudissait les premières réalisations (zone de rencontre avenue du Général de Gaulle, le long des étangs) et les nombreux projets positifs annoncés par la Commune. Des projets dont le but était, notamment, de favoriser la distanciation physique et les déplacements en plein air dans le contexte de l’épidémie. Euphorie du déconfinement ? Pas seulement. Les annonces étaient nombreuses et ambitieuses, portées à la fois par la Commune et la Région : 

  • Nouvelles zones de rencontre (ZR)2: partie nord d’Ixelles, place du Châtelain, secteur scolaire autour de la rue des Merisiers, extension de la ZR autour des étangs jusqu’à l’abbaye de la Cambre, réduction de la circulation et extension des terrasses chaussée de Boondael, près du cimetière, pour favoriser l’Horeca… 
  • Nouvelles pistes cyclables : rue du Champ de Mars, avenue du Congo, avenue Maurice (qui est sur un itinéraire cyclable régional, un ICR)… 
  • Aménagement de points noirs dangereux signalés depuis longtemps : boulevard Général Jacques devant la gare d’Etterbeek, carrefour de l’Étoile (cauchemar cyclable où se croisent pas moins de 7 avenues), avenue du Congo (chaînon manquant entre les pistes de Général-Jacques et de Franklin Roosevelt). 

Des réalisations bienvenues

Où en sommes-nous cet automne ? La dernière commission vélo, qui s’est partagée entre visite sur le terrain et visioconférence, était l’occasion d’un bilan d’étape. Le GRACQ Ixelles y a vu des motifs d’inquiétude et des déceptions, malgré des avancées notables. 

Oui, il y a des avancées. À Ixelles-Sud, toutes les rues fréquentées par les élèves entre l’avenue du Bois de la Cambre et la rue des Merisiers ont été transformées en zone de rencontre. C’est aussi le cas, à Ixelles-Nord, de la place Saint-Boniface. Une piste cyclable sécurise enfin le tronçon devant la gare d’Etterbeek-Ixelles, et une autre marque l’itinéraire très fréquenté de la rue du Champ de Mars, débarrassée du trafic automobile de transit grâce à des modifications de sens de circulation. 

Nouvelles pistes cyclables chaussée de Waterloo, Ixelles et Saint-Gilles

La chaussée de Waterloo (ci-contre) se voit dotée de pistes sur la quasi-totalité du parcours entre la Bascule et la Barrière de Saint-Gilles, avec une bande blanche médiane qui rend plus étroites les voies de circulation, incitant les voitures à ralentir. Enfin, au bout des étangs d’Ixelles, face à l’abbaye de la Cambre, la rue du Levant fermée au trafic par des potelets fixes devient un espace partagé piétons vélos, ce qui simplifie la traversée de ce qui était auparavant un nœud de voiries inextricable et dangereux.

La volonté et le chemin

L’engagement des responsables communaux de la Mobilité ne fait donc pas de doute. Nous mesurons d’ailleurs la chance que nous avons, au GRACQ Ixelles, par rapport à nos ami·e·s dans d’autres communes, d’avoir des interlocuteurs et interlocutrices qui partagent le plus souvent nos arguments. Mais cette convergence sur les objectifs ne doit pas nous inciter à taire les critiques sur les rythmes et les méthodes. Notre rôle est de représenter les cyclistes, de défendre leur place dans la ville et leur sécurité dans le trafic, en tenant compte bien sûr des autres usagers fragiles (piétons, personnes à mobilité réduite). Le bilan automnal donne donc lieu aussi à des inquiétudes et des déceptions.

Drache automnale

Déceptions : la zone de rencontre place du Châtelain n’a pas vu le jour (mais la commune a lancé une enquête en ligne pour son réaménagement), l’extension de celle de l’avenue du Général de Gaulle jusqu’à l’abbaye a tenu… deux jours, en août, avant d’être abandonnée face au mécontentement de quelques riverains.

Surtout, le projet de réaménagement du carrefour de l’Étoile et de piste cyclable avenue du Congo est en panne. Ces deux voiries se trouvent à la fois sur les communes d’Ixelles et de Bruxelles-Ville, et sont gérées par la Région. La commune d’Ixelles a remis un avis favorable au projet régional de piste cyclable avenue du Congo. Elle prévoyait des mesures d’accompagnement sur les voiries communales donnant sur le carrefour de l’Étoile. Mais le dossier de l’avenue du Congo est en suspens au niveau de la Ville de Bruxelles. La raison, évoquée à demi-mots par des connaisseurs du dossier : il ne faut pas risquer de mécontenter à nouveau les automobilistes tant que le dossier sensible du bois de la Cambre n’est pas réglé.

En attendant, les cyclistes devraient donc continuer à traverser la trouille au ventre un carrefour en étoile à sept branches où aucun feu n’est calibré pour eux, face à des voitures en pleine accélération? Et ceux qui ont l’audace de s’engager sur l’avenue du Congo continuer de mettre leur vie en danger?

Le GRACQ n’accepte pas ce statu quo sur ce point noir du réseau vélo. En attendant la décision de Bruxelles Ville, il a demandé à la Commune de réaliser au plus vite ce qui relève de sa compétence : la piste cyclable sur l’ICR avenue Maurice, validée depuis longtemps ; la mise en cul-de-sac de l'avenue de la Folle Chanson pour simplifier le carrefour ; un marquage cyclable clair pour guider les cyclistes entre la fin brutale de la piste de Général Jacques et le trottoir partagé du boulevard de la Cambre (déviation possible pour éviter le tronçon dangereux de l’avenue du Congo) ; et enfin un marquage sur ce trottoir pour éviter les conflits avec les piétons.

Menaces hivernales

Venons-en à nos inquiétudes. Avérée ou non, la crainte prêtée à Bruxelles Ville de mécontenter les automobilistes en utilisant une voie (sur trois !) avenue du Congo pour créer une piste cyclable indispensable, est révélatrice. Elle illustre l’effet délétère des pressions que des groupes d’automobilistes et certains politiques font peser sur les majorités communales et régionale. Ces groupes de pression, omniprésents dans les médias, ont engagé des procédures en justice pour faire supprimer des pistes cyclables et mènent l’offensive autour d’un lieu symbolique : le bois de la Cambre.

L’idée de voir le Bois rendu à sa vocation première d’espace de nature, de calme et de loisir pour tous est insupportable aux yeux de quelques-uns. Ceux-là ne rêvent que de pouvoir y faire ronfler à nouveau leur moteur et crisser les pneus sur les avenues du Bois qu’ils prenaient pour un circuit automobile. Ces comportements ultradangereux justifieraient à eux-seuls la fermeture définitive du Bois aux voitures. Le problème est que des usagers plus modérés et des riverains de bonne foi peuvent se laisser prendre par une propagande basée sur un seul postulat : le trafic ne doit pas baisser, et s’il ne passe plus dans le Bois, il se reporterait sur les autres axes. 

Or l’objectif est bien de réduire le trafic automobile, en incitant tous ceux qui le peuvent à utiliser un autre moyen de transport. Les impératifs climatiques et de santé publique (pollution) imposent des mesures courageuses, même si elles dérangent dans un premier temps. Il suffirait qu’une partie des automobilistes actuels acceptent de prendre leur vélo de temps en temps, il n’y aurait plus de congestion du trafic… et ils pourraient passer de nouveau dans le Bois, en profitant du calme et de l’air pur. 

En attendant, des moyens financiers importants sont déployés pour tenter de revenir à la situation antérieure. Un site internet plutôt efficace a été lancé, et les promoteurs de cette campagne pour le retour du bruit, de la pollution et de l'insécurité dans le Bois inondent les boîtes aux lettres d’Uccle, Ixelles et ailleurs de luxueuses affiches sur papier glacé.

Créer le printemps

Face à ces lobbyistes de l’immobilisme (car la voiture n’a pas attendu les pistes cyclables pour être immobilisée dans les files et paralyser nos villes), il existe deux réponses : le courage politique des élus et la détermination des citoyens. Les premiers ont toute légitimité pour mettre en œuvre les programmes pour lesquels ils ont été élus. Après un temps de concertation doit venir l’action. Les lourdeurs administratives ne sont pas une excuse : le cadre démocratique existe pour agir, ou pour modifier si besoin les lois et les règlements. 

Aux citoyens incombe la responsabilité de se mobiliser pour défendre un mode de vie durable, plus respectueux du climat, de la biodiversité, des personnes et des valeurs humanistes. C’est cette transition écologique indispensable qu’exige la jeunesse au nom de son avenir. Le GRACQ tente de faire sa part depuis près d’un demi-siècle en promouvant le vélo en ville, un mode de transport doux, efficace, bon marché, sain et convivial. Face aux menaces de « backlash », de retour en arrière réactionnaire, nous appelons tous nos membres ixellois, originaires de l’Europe entière et de plus loin encore, à se mobiliser en nombre. Exprimez vos idées et rejoignez-nous pour organiser les actions à venir. Défendons ensemble une ville plus vivable !

François Cibot, Denis Dekoster et Arnaud Dubois

1 La commission vélo d’Ixelles réunit chaque trimestre les représentants de la Commune, de la locale du GRACQ, de la police et de Bruxelles Mobilité.
2 Dans une zone de rencontre, comme dans une zone résidentielle, les activités sociales et les piétons sont prioritaires, les jeux sont autorisés et les véhicules doivent circuler à 20 km/h maximum.

 

Le GRACQ (Groupe de recherche et d'action des cyclistes quotidiens) fédère depuis 1975 ceux qui utilisent le vélo dans leurs déplacements quotidiens, à Bruxelles et en Wallonie. Il porte leur voix auprès des décideurs afin d’obtenir des mesures favorables au vélo. En nous rejoignant, vous donnez plus de poids au mouvement cycliste !
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